19/04/2012

Premier bilan

Dans une dizaine de jour, ça va faire 6 mois que j'ai quitté la France. Six mois, la moitié d'une année, quoi. Et tout s'est passé si vite que j'ai l'impression d'avoir quitté Paris il y a quelques semaines à peine. J'ai l'impression que la Chine, c'était hier, alors qu'il y a 5 mois que j'ai dis au revoir à Vivienne, Chris, Claudia et les autres. D'un autre côté, j'ai aussi l'étrange sentiment de vivre à Melbourne depuis une éternité. Les rues sont familières, chaque quartier abritant déjà son petit lot de souvenirs. C'est ici que j'ai pris un café avec George, ma toute première semaine en Australie. C'est là que j'ai acheté mon ukulélé. C'est là que j'ai dansé dans la rue avec Dorothée, Janneke, Beth et Désirée. Le chemin que je prends pour aller en ville, c'est comme si je le connaissais depuis des années. La lumière dorée qui tombe toujours en biais sur le jardin, les petites maisons en briques, les grands immeubles glacés, les hipsters de Fitzroy et les op'shop des quartiers nord, j'adore, j'adore, j'adore. 

Depuis que je suis arrivée, j'ai travaillé dans trois familles différentes, comme nanny. J'ai donné des cours de français à une demi-douzaine d'australiens, âgés de 12 mois à une quarantaine d'années. J'ai dessiné des panneaux de signalisation pour une banlieue lointaine, mit en page un site internet et quelques affiches, deux ou trois cartes de visites et un album tout entier. J'ai illustré la moitié d'un livre, et rempli un carnet de croquis. J'ai économisé 7000$ pour mes futurs projets, qui pour l'instant sont on ne peut plus flous.
J'ai rencontré des tas et des tas de gens. J'ai bu du cidre, mangé des tonnes de chocolat, cuisiné plein de trucs. Je suis partie en road trip, j'ai campé ici et là, je me suis baigné dans un trou plein de boue et j'ai nagé dans des rivières. J'ai vu des kangourous, des koalas, des kookaburas, et d'autres trucs qui commencent par K. J'ai tiré à la carabine et allumé des brasiers avec des bidons d'essence et trois allumettes. 

Hier, c'était l'anniversaire de mes cinq mois en Australie. Dans un peu plus de deux mois, je suis sensée quitter Melbourne, les amis que j'ai rencontré ici, ma maison, les deux chats, le bébé dont je m'occupe à mi-temps, mon vélo, les opposums du Carlton Garden, Brunswick St, tout ça, tout ça. Et ben ça fait bizarre. 

La vie est belle ici, vraiment. En travaillant 10 à 12h par semaine, j'arrive à payer mon loyer. Je paye les factures en donnant des cours de français à ma coloc, et j'arrive encore à sortir un jour sur deux, sans pour autant taper dans mes économies. Je me rappelle pinailler sur tout et n'importe quoi, à Strasbourg. Culpabiliser chaque fois que j'ai à sortir un euro. Je sais même plus très bien à quoi ça ressemble, un euro, tiens. Ici les billets sont en plastique, au cas où on tomberait dans l'eau, peut-être. 
Et puis Melbourne, c'est une ville où il fait bon vivre. À vélo, je suis au centre ville en une demi-heure. J'adore mon quartier, et les quartiers voisins, avec leurs concerts gratuits, leurs bars et leurs cafés, les beer gardens et les magasins de fringues qui coûtent rien. J'aime regarder les gens dans la rue, habillés n'importe comment, mais avec style, quand même. J'aime voir les chevaux tirer leurs calèches au milieu des buildings, dans le centre. Et aussi regarder les posters géniaux placardés partout dans la ville, et les tags fantastiques cachés dans les petites allées. 

J'aime aussi les gens, leur devise "no worries", et leur regard ouvert et positif sur la vie en général. Oui, bien sur, il y en a qui se plaignent, c'est comme partout, mais il règne ici une atmosphère optimiste et réjouie qu'on a du mal à trouver en France, surtout ces derniers temps. Il y a de l'espoir, on croit encore au "rêve américain" (hé, si on démarrait une entreprise de skate board, ou une marque de T-shirt, où si on ouvrait un magasin vintage ou une galerie alternative ?). Sauf qu'on est en Australie. En tout cas, c'est comme ça que je le ressens. J'imagine que, parce que la crise n'a qu'à peine écorné l'économie, on peut se permettre de se concentrer sur autre chose. En toute honnêteté, je ne suis pas tellement à jour niveau politique australienne, alors je peux pas trop m'étaler sur les détails, mais, bon, LA VIE EST BELLE, en tout cas pour moi. Australia treats me well. 

Et parce que j'habite ici depuis 5 mois, j'ai l'impression de faire partie du décor. Je fais tout ce que j'aime. Je suis graphiste freelance, illustratrice, je travaille avec des enfants, et je voyage. Il ne se passe pas une semaine sans que je me dise à quel point j'ai de la chance. Ouais, ça sonne un peu niais comme ça, mais c'est vrai. Et je suis contaminée par le positivisme du coin. Je me dis : "je vais publier un livre ici, je vais trouver une galerie pour m'exposer, je vais bosser pour les magasines, je vais, je vais, je vais..."

Alors bien sur c'est dur de se faire à l'idée de partir. Et faire un bilan sur tous les trucs géniaux du coin, ça aide pas tellement, à vrai dire...

Ah, je crois que je suis amoureuse de Melbourne.