Jour 17
On en voit finalement le bout, me direz-vous. Il m'a fallut deux mois pour venir à bout des mes 17 jours chinois, mais voilà, j'y suis presque. Le dernier jour de mon périple en Chine, mais aussi le premier jour de mes 23 ans, et le point de départ de mon aventure australienne.
Mais avant de prendre l'avion (qui décolle à 23h45 le soir-même), j'ai prévu de revoir Claudia, avec qui je suis sensée retourner manger dans la petite gargote de l'avant-veille. Nous sommes également sensées nous balader à nouveau autour de Central, acheter du tissu et arpenter une dernière fois (dans mon cas) les petits marchés qui poussent comme des champignons au pied des buildings.
Pour la première fois en deux semaines, je fais la grasse mat', joie ! L'habitude aidant, je me réveille quand même aux alentours de huit heures, je dis vaguement au revoir à Chris qui part au boulot, et je me rendors jusqu'à tard dans la matinée. J'avais plus ou moins prévu de commencer mes bagages avant de rejoindre Claudia, mais je me lève trop tard, et laisse donc cette corvée de côté. De toute manière je n'ai pas grand chose à empaqueter.
Cependant ma peur irrationnelle de rater le train s'applique également à l'avion. Oui, parce que depuis que j'ai environ 14 ans, et que j'ai commencé à prendre le train régulièrement pour me rendre à l'internat, je cauchemarde sur les trains. Un nombre ridiculement important de mes cauchemars est basé sur le fait de rater le train. Et mon cerveau invente chaque fois une nouvelle manière de me retarder. J'ai également rêvé deux fois que je loupais l'avion, et même, plus stupide encore, le métro...
Bref, le fait de ne pas avoir bouclé mes bagages m'angoisse légèrement, compte tenu du fait que, une fois sortie de l'appartement, je serai enfermée dehors jusqu'à ce que Chris ou l'un de ses colocs rentre du boulot. Et comme j'ai le projet de me rendre à l'aéroport au moins trois heures avant le départ, il me faut un peu de marge pour terminer de tout ranger sans trop de stress.
Qu'à cela ne tienne, je ne vais pas passer mon dernier jour enfermée à attendre que l'un de mes hôtes revienne. Je prend mon courage à deux mains et quitte l'appartement, refermant irrémédiablement la porte derrière moi. J'espère pouvoir revenir aux alentours de cinq heures, six heures me paraissant une marge raisonnable pour faire mes bagages, me rendre à l'aéroport et accomplir toutes les stupidités pré-décollage qu'on ne manquera pas m'imposer une fois sur place.
Je rejoins donc Claudia, même endroit, sortie E. Cette fois je ne suis pas en retard, elle non plus, on se rend à nouveau dans le petit resto de l'avant-veille. Comme la dernière fois, le thé coule à flot, on mange des tas et des tas de trucs, on prend des photos des posters orange fluos où des caractères chinois sont tracés à la main. On se demande ce que ça veut dire, peut-être juste le menu, que nous on prend en photo comme des débiles sous l'oeil impavide des clients chinois (c'est à dire de tout les autres clients, en réalité).
C'est alourdies de quelques kilos que l'on se traîne jusqu'au Central market, où Claudia achète du tissu thaïlandais. Au final je ne trouve rien à mon goût, n'étant pas spécialement fan des paillettes, des broderies satinées et des motifs orientaux. J'aime le lin et le coton uni, voilà.
Il pleut, c'est un peu déprimant, je me sens déjà triste à l'idée de quitter Hong-Kong, comme j'ai été triste un an plus tôt de quitter New Delhi. Je suis tombée sous le charme de la ville, avec ses marchés traditionnels qui grouillent entre deux buildings ultra-modernes, ses vendeurs qui pèsent les fruits avec des balances à l'ancienne, utilisant de gros poids en plomb, quand d'élégants traiders en costumes leurs tendent la monnaie. Ses fruits de mer étalées le matin sur les trottoirs, où des chinoises en mini-jupe tapotent leur I-pod. J'ai aimé Aberdeen, j'ai adoré les îles, et les enseignes criardes de Monkok, et les gens d'ici vont me manquer, aussi, peut-être d'autant plus parce que je sais qu'il y a très peu de chance que je les revois un jour.
Mais sous la pluie HK est incroyablement photogénique. Claudia et moi mitraillons sans discontinuer, vaguement abritées sous nos foulards, vu qu'on a pas de parapluie. On cherche en vain Cat street et son marché aux antiquités, que je suis incapable de retrouver. De boutiques en boutiques, d'échoppes en échoppes, il est déjà presque cinq heures. L'un des colocs de Chris me confirme par texto qu'il est de retour à l'appartement. Le stress m'enflamme à nouveau, je veux absolument rentrer, finir mes bagages et vérifier chaque petit détails avant le départ. Entre autre noter les adresses de mes futurs hôtes, me procurer un plan du métro de Melbourne, essayer de comprendre comment je vais me débrouiller pour traverser la ville sans me perdre. Il y a tant de choses qui pourraient tourner mal que j'en ai le vertige.
Je dis au revoir à Claudia, que je suis réellement triste de quitter. Mais elle habite à Paris, et moi aussi, un jour, j'y vivrai, alors ce ne sont pas vraiment des adieux.
De retour à Wan Chai, je trouve le moyen de me perdre, car j'emprunte la mauvaise sortie. Ce contre-temps alimente un peu plus ma paranoïa. Je finis néanmoins par retrouver l'appartement, et je m'attaque aussitôt aux bagages (ce qui me prend, en toute honnêteté, peut-être 10 minutes). Puis je me rue sur internet, à la recherche d'un plan de Melbourne, testant tout les itinéraires possibles pour me rendre chez Rachel qui, bénie soit-elle ! M'a envoyé des instructions claires et détaillées... Mais seulement depuis le centre-ville. Or, l'aéroport est à des kilomètres du centre-ville (logique, me direz-vous), tellement loin que le métro n'y va même pas. Métro dont le système reste obscur pour moi, puisque, contrairement à tous les autres métros que j'ai expérimenté, il ne fonctionne pas comme notre bon vieux métro parisien. La carte est incompréhensible, les tarifs introuvables, les lignes n'ont pas de numéros et pas de couleurs. Quand aux bus pour quitter l'aéroport et rejoindre la ville, impossible de les localiser sur le plan, ou de consulter leurs itinéraires.
Lorsque Chris rentre du boulot, je suis complètement paniquée. Il m'oblige à lâcher l'ordinateur et me rassure comme il peut. Il est huit heures, j'ai prévu de partir à neuf heure. Chris accepte de m'accompagner à l'aéroport, ce dont je lui serai éternellement reconnaissante, puisque je suis également extrêmement stressée par les formalités d'embarquement. Bien sur, ceux de mes bien-aimés lecteurs qui ont prit l'avion des dizaines de fois rirons de toute cette angoisse inutile, mais pour moi, prendre l'avion toute seule à Hong-Kong, c'est une véritable épreuve. Je suis donc bien contente d'avoir Chris pour me tenir la main.
Nous quittons l'appartement, avec un petit pincement au coeur pour moi.
Il nous faut bien une heure pour arriver à l'aéroport. Là, je me laisse gentiment téléguider par Chris, puisque je suis complètement démunie. Je regarde mon sac disparaître, avec sa grosse étiquette MEL, et je me prépare à franchir les portes d'embarquement. Je me met franchement à pleurer quand il me faut finalement dire aurevoir à Chris, tout aussi bien parce que c'est ici que beaucoup de choses se terminent, mais aussi parce que l'inconnu commence à nouveau. Moi qui avait si peur de la Chine, maintenant j'ai peur de la quitter. Mais il faut bien franchir ces fichues portes, alors c'est seule à nouveau que je prend place dans la grand hall, en pensant à Claudia, Vivienne, Karen, Dan et Mona, Chris, Nicolas, Allen, les suisses, les anglais, les allemands, les canadiens, les chinois et les français que j'ai croisé sur ma route.
Voilà, j'ai voyagé deux semaines toute seule en Chine. A le dire, comme ça, ça paraît rien du tout. Qu'est ce que c'est, deux semaines, quand je pense à ceux qui voyagent depuis deux, quatre, dix mois ? Mais pour moi c'était vraiment quelque chose, et c'est presque quelqu'un d'autre qui prend cet avion pour l'Australie, avec un peu plus de souvenirs, d'amis, et de plomb dans la tête qu'en quittant la France.
2 commentaires:
J'en connais une autre à qui la Chine faisait peur................
Ton récit était passionnant ! J'ai bien ri, et par moment j'ai eu les larmes aux yeux. Et pourtant, je ne réalise toujours pas. En tout cas, tu ne peux pas imaginer à quel point nous sommes fiers de toi. Bisous.
Maman
J'ai pris l'avion des dizaines et des dizaines de fois mais ton angoisse reste tout à fait justifiée et peu risible, prendre l'avion dans un aéroport que tu ne connais pas et plus particulièrement à l'autre bout du monde dans un pays dont tu ne parles qu'une des langues c'est une aventure !
T'es trop forte.
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